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Le conflit, une forme de coopération

  • Photo du rédacteur: Camille Lamouille
    Camille Lamouille
  • 2 juin
  • 5 min de lecture
baseball

Il y a quelques semaines, j’ai eu la chance d’assister à un match de baseball des Red Sox à Boston, dans le mythique Fenway Park.

Il m’a fallu une bonne heure pour assimiler les règles de base. Il m’en restait deux pour affiner ma compréhension… et profiter du spectacle.


Un détail m’a particulièrement frappée : tout commence par un échange entre deux adversaires, le lanceur et le batteur. C’est ce duo opposé qui lance le jeu.

Le lanceur doit envoyer la balle avec précision : assez difficile pour déstabiliser, mais pas trop pour rester dans les règles. Le batteur, lui, doit saisir l’intention, lire la trajectoire, ou juger que la balle n’est pas « jouable ».

L’un sans l’autre ne progresse pas. Sans bon lancer, pas de belle frappe. Sans opposition, pas de jeu.


Cette interdépendance m’a fascinée : deux adversaires qui s’opposent… mais coopèrent pour que le jeu ait lieu. Leur duel est cadré, ritualisé, presque chorégraphié. C’est précisément parce qu’il est encadré qu’il devient possible de jouer avec, plutôt que contre.


Et si c’était là une piste pour penser autrement le conflit en entreprise ?

Plutôt que de le fuir, comment créer des espaces où il serait reconnu, encadré, mis au service du collectif ?

Une pédagogie du désaccord, au service de l’intelligence collective.


“Never waste a good crisis” — Winston Churchill

Et si le conflit n’était pas un échec relationnel, mais un passage nécessaire ? Un levier de coopération ? Un catalyseur d’apprentissage partagé ?


1. Le conflit, une étape clé dans l’évolution d’une équipe

Modèle de Tuckman

Le psychologue Bruce Tuckman a modélisé les différentes phases de développement d’une équipe :

  • Forming : la phase de formation, où chacun cherche sa place.

  • Storming : la phase de tension, où surgissent les premiers désaccords.

  • Norming : la régulation, où l’on apprend à fonctionner ensemble.

  • Performing : la performance, où l’équipe est pleinement opérationnelle.

  • Adjourning : la séparation, en fin de cycle.


Le conflit est donc une étape normale et saine, nécessaire pour atteindre la maturité collective. C’est dans la phase de storming que se révèlent les besoins non exprimés, les rôles ambigus, les règles implicites. C’est là que l’équipe peut enfin mettre sur la table ce qui gêne ou fait obstacle.


À condition d’être traversé dans un cadre sécurisant, le conflit devient un levier : il permet de poser des bases solides, de clarifier les rôles, de construire une culture commune.


Refuser le conflit, c’est refuser à l’équipe la possibilité de grandir.

Normaliser les tensions, c’est reconnaître qu’elles sont un signe de vitalité et de confiance, pas une menace.


Mais pour que cette traversée soit possible, encore faut-il qu’un socle invisible soit bien présent : la sécurité psychologique.


2. Le cadre : socle protecteur et régulateur du conflit

Terrain de baseball

Ce que le baseball m'a rappelé, et qui se retrouve dans chaque sport, c’est que sans cadre, il n’y a pas de jeu.


Le duel entre le lanceur et le batteur ne fonctionne que parce qu’il est strictement encadré par des règles, un arbitre, une ligne de conduite connue de tous. C’est ce qui permet à l’affrontement de rester un jeu, et non une agression.


En entreprise, c’est pareil. Le conflit ne devient fécond que s’il s’inscrit dans un cadre clair, partagé et sécurisant. Un cadre, ce sont des règles du jeu relationnelles, explicites ou implicites, qui permettent de dire, d’écouter, de s’opposer sans disqualifier.


Sans règles, le conflit déborde.

Avec un cadre clair, il devient un terrain de travail.


Ce cadre doit être posé et incarné par le manager, mais il peut aussi se construire collectivement : charte relationnelle, règles de fonctionnement d’équipe, rituels de feedback… autant d’éléments qui définissent ce qui est permis, ce qui ne l’est pas, et comment on se régule quand la tension monte.


C’est parce qu’on balise l’espace de confrontation qu’il devient possible d’y faire émerger des idées, de l’ajustement, de la coopération.


Un conflit sans cadre, c’est un terrain vague. Un conflit avec cadre, c’est un espace de jeu collectif.


3. Sortir de la polarisation : construire une posture commune avant une solution commune


Quand un conflit éclate, notre réflexe est souvent de chercher rapidement une solution. Mais ce réflexe peut nous faire passer à côté d’une étape essentielle : la synchronisation des postures.


Il ne s’agit pas forcément de tomber d’accord, mais de créer un espace de compréhension mutuelle. Comme le souligne le philosophe Charles Pépin, « on peut être en désaccord profond et continuer à penser ensemble ». Pour cela, il faut accepter que la divergence ne soit pas une menace, mais une ressource de nuance et de richesse.


Plutôt que de chercher le consensus à tout prix, on peut se demander : comment allons-nous avancer ensemble malgré - ou grâce à - nos différences ? C’est souvent la qualité du lien qui permet la qualité de la solution, pas l’inverse.

 

4. Le rôle du manager : réguler, cadrer, transformer


Pour que le conflit devienne réellement un levier de coopération, il ne peut être ni évité ni laissé en roue libre. C’est ici que le rôle du manager devient stratégique. Il ne s’agit pas de « résoudre » le conflit à la place de l’équipe, mais de poser un cadre qui permette à chacun de s’exprimer, et de faire émerger une intelligence collective au service du groupe.


Cela suppose de pouvoir répondre « oui » à ces trois questions avant de s'engager dans la gestion active d’un conflit :

  • Le sujet est-il suffisamment important pour l’équipe ou le projet ?

  • Est-ce que les personnes concernées sont prêtes à s’impliquer dans un échange ?

  • Le cadre est-il suffisamment sécurisé pour éviter l’escalade destructrice ?


C’est en posant des règles claires, en rappelant les rôles et les objectifs partagés, que le manager aide à transformer le conflit en un espace de travail et non en une zone de danger.


Jouer avec plutôt que contre

Joueurs de baseball

Et si, comme au baseball, on osait regarder le conflit non plus comme une opposition à éviter, mais comme un terrain d'entraînement collectif ? Un espace où l'on peut se confronter sans se détruire, s'opposer sans se diviser, et surtout, apprendre à mieux jouer ensemble.

Le conflit, encadré par des règles, nourri par la sécurité psychologique et traversé avec vulnérabilité, devient alors non plus un obstacle, mais un catalyseur d’intelligence collective. Une épreuve fondatrice pour les équipes qui choisissent de devenir pleinement fonctionnelles et humaines.



Camille Lamouille

- Camille Lamouille -


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