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Corps à corps



Si seulement j’étais plus fine, plus grande, avec moins de hanches, les abdos plus dessinés, les joues moins rondes, les cuisses moins grosses, les yeux plus bleus, les cheveux plus ondulés, si je n’avais pas cette cicatrice sur le nez, si je ne rongeais pas mes ongles, si je perdais 7 kilos, 10 cm de tour de taille… alors je serais plus heureuse… et plus aimable.


7 kilos perdus en 3 mois, objectif atteint le 7 juillet.


Et puis ?

Et puis rien. Le vide. Rien ne se passe. Pas plus belle. Pas plus heureuse. Pas plus aimée. Mais plus vide, ça oui.


Alors quoi ?

Se remplir. Se remplir pour panser la privation, se remplir pour se punir, se remplir pour se sentir et se ressentir. Se remplir encore et encore. Jusqu’à l’excès.


« Pour y mettre fin au vide intérieur il faut se remplir de soi, (…) se mettre à vivre réellement, repérer ses vrais désirs, reconstruire son identité et son amour propre. » - Ariane Noël -

Un coach en nutrition que j’écoutais disait « Pour mincir, il faut être en déficit calorique, c’est pas plus compliqué que ça ». En fait, c’est bien plus compliqué que ça…


Compter les calories de chaque grain de riz, prendre ses mensurations tous les jours, se peser le matin, le soir, avant ou après un verre d’eau, faire des calculs, se prendre en photo, écouter des heures de podcasts sur la nutrition, faire du sport sans se reposer, rentrer le ventre, sauter un repas, refuser de sortir avec ses amis, boire de l’eau, beaucoup d’eau, et puis culpabiliser, comparer, craquer, regretter, abandonner, se détester, cacher, recommencer. Obsession, obsession. Tyrannie du corps.


Plus j’ai cherché à contrôler, plus j’ai perdu le contrôle.


« Parce que nous sommes nos corps, que nos pensées et nos émotions sont liées, écouter nos corps c’est politique. C’est se relier à notre puissance, à notre intuition, et ça bouleverse notre lien aux autres. Parce que c’est dans son ventre qu’on sent le désir mais aussi le danger. » - Victoire Tuaillon -

Il a été prouvé que presque tous les troubles alimentaires démarrent avec un régime. Comme l’explique Sophie Deram, chercheuse en nutrition à l’Université de Sao Paulo, on observe une modification génétique suite aux régimes. L’appétit augmente et le métabolisme diminue. Or le métabolisme est plus important que le poids. Les régimes font augmenter le taux de cortisol (hormone du stress), ainsi que la ghréline (hormone de la faim) et la leptine (hormone de la satiété) qui viennent nous jouer des tours dans la régulation de l’appétit en post-régime et qui participent à la création des effets yoyo et des troubles alimentaires. Prendre soin de son métabolisme, c’est manger suffisamment pour nourrir son cerveau (le cerveau brûle en un jour environ 400 calories), pour être en forme physique, pour dormir mieux, pour diminuer son stress et prendre soin de ses émotions.


Ce que j’ai compris aujourd’hui c’est que la question n’est pas « qu’est-ce que je mange ? » mais « comment je le mange ? ». Est-ce que je mange avec envie, plaisir ou avec compulsion, peur, culpabilité ? Car c'est bien le cerveau et notre bien-être interne qui seront responsables de la perte de poids maintenue sur le long terme.


Dans les années 90, une étude a été menée par le sociologue Claude Fishler et le psychologue Paul Rozin afin de déterminer l’impact des pensées et des émotions sur nos comportements alimentaires. Ils ont demandé aux personnes participantes à l’expérience d’énoncer à quoi elles pensaient lorsqu’ils leur citaient tel ou tel aliment. Ils ont réalisé cette expérience sur des américains et des français afin d’obtenir une comparaison. Ce qui est intéressant apparait lors de la mention du « gâteau au chocolat ». En entendant cet aliment, les américains ont répondu en grande majorité « grossir », « gras », « culpabilité ». Tandis que les français ont répondu en grande majorité « plaisir », « fête », « heureux », « anniversaire ». Ils ont prouvé que ces pensées avaient des répercussions sur notre comportement alimentaire et donc notre poids et notre santé. En effet si je me prive du gâteau pensant qu’il fait grossir, je vais être plus à même de développer des compulsions alimentaires par la suite et d’engloutir le prochain gâteau qui passe sans même y prendre plaisir car ce sera dans mon esprit peut-être le dernier avant de reprendre mon régime de manière assidue, les fameux "craquages" jusqu'à en être malade. Alors que si je vois ce gâteau comme une fête, je vais le déguster et le manger à ma faim en tranquillité et avec plaisir.


J’ai compris aussi qu’il n’y a pas d’amour sans amour de soi. La clé dans tout ça c’est comment se réconcilier avec son corps, comment regagner de l’estime personnelle, comment se rendre visible tel que l’on est, et comment se protéger de ce qui nous fait du mal. Ces trois mois m’ont fait comprendre que c’est la transformation intérieure qui compte plutôt que la transformation extérieure. Et si je n’y suis pas encore dans les actes, tout démarre par la conscience, c’est le premier pas vers la guérison. Prendre soin de son corps est une nécessité car il est le recueil de ses souvenirs, de son vécu, de ses traumatismes, de son histoire transgénérationnelle.


« Faites du bien à votre corps pour que votre âme ait envie d’y rester. » - Proverbe indien -

En Psychologie Positive, l'acceptation de soi a été intégrée au modèle de bien-être eudémonique élaboré par Carol Ryff. Le bien-être eudémonique se définit comme la réalisation de notre potentiel et croissance personnelle ainsi que le sentiment de vivre une vie qui a du sens. Il s’oppose au bien-être hédonique qui, lui, est centré sur la satisfaction et le plaisir provenant de l’extérieur. Selon la psychologue américaine Carol Ryff, le bien-être eudémonique s’oriente autour de 6 dimensions qui sont : l’acceptation de soi, les relations positives, l’autonomie, la maitrise de l’environnement, les buts dans la vie, le sentiment de croissance personnelle. L’estime de soi est l’addition de l’acceptation de soi et du respect de soi. Le mal-amour de son enveloppe corporelle externe n’est finalement qu’un reflet d’un mal-amour interne. Ce mal intérieur se répercute alors une non-acceptation de soi (comparaison, distorsion de son regard, focalisation sur ses défauts...), et dans un non-respect de soi (punition par la privation ou par l’excès de nourriture, addiction au sport...). S'enclenche alors un cercle vicieux dans lequel plus nous nous faisons du mal, plus nous renforçons nos pensées négatives sur nous-même, plus l’estime de soi s’effondre. L'acceptation de soi étant une des clés pour augmenter son bien-être eudémonique et donc son accomplissement personnel, la question est : Comment la reconstruire quand elle s'est effondrée ?


« Sur Le Long Chemin De L'estime De Soi, Mieux Vaut Savoir Se Consoler Que Se Valoriser... » - Christophe André -

Avec beaucoup d’humilité, car la route vers l’acceptation est longue, je vous partage quelques pistes de Psychologie Positive qui m’aident sur ce chemin :

- Suivre des comptes « body positive » sur les réseaux sociaux.

- S’appuyer sur des personnes ressources : proches, famille, amis. (Merci à eux pour la sécurité et le réconfort qu'ils m'apportent !)

- Ne surtout pas commenter l’apparence physique des uns des autres.

- Se faire accompagner, par un psychothérapeute, par une TCC (Thérapie Cognitive et Comportementale), par l’EMDR, par l’hypnose. Pour guérir. Guérir des traumatismes, des blessures, du rejet, des humiliations, des séparations.

- Poser des mots, oser dire, parler, être vulnérable, se confier.

- Accepter les compliments. En donner en retour.

- Danser, être en contact avec son corps, pratiquer la biodanza.

- Etre son propre ami, son propre ange gardien, être auto-bienveillant.

- Pratiquer la méditation, la visualisation, la cohérence cardiaque. L’application Petit Bambou propose un programme de méditation « Stress alimentaire ».

- Regarder les gens dans la rue, les trouver beaux dans leurs différences.

- Se regarder dans le miroir, sans se critiquer, déformater et reformater son regard positivement (ou au minimum de façon neutre).

- Arrêter de lire les magazines prônant les « summer body ».

- S’inspirer de la beauté du monde : des paysages, des musées, des chansons…

- Participer à des séances de modèle vivant, dessiner les corps.

- Prendre soin de soi : faire du sport car c’est bon pour soi, manger car cela nous fait plaisir, se prendre un bain, aller marcher et respirer…

- Développer sa beauté intérieure : développement personnel, Psychologie Positive, passions, apprentissages...


« Se relier à nos corps, c’est lutter contre toutes les violences qui nous en ont coupé. C’est résister. Se défaire de l’objectification, de la haine de soi, ça transforme nos relations, parce qu’alors tout ce temps, toute cette énergie passée à compter ses calories, se tourmenter, se comparer, s’envier, on peut enfin la consacrer à autre chose. A lutter. Et à s’aimer. » - Victoire Tuaillon -

Merci de m’avoir lu sur ce sujet intime, qui m’a demandé courage et vulnérabilité pour vous écrire ces lignes. Ma gratitude va à Patricia qui a été, et qui est encore, un guide précieux sur ce chemin, et qui m’a permis de mettre de la compréhension, du sens, de l’espoir et un peu de lumière dans cette traversée.


- Camille Lamouille -


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Témoignez pour notre recueil qui sera publié : "Au bonheur des gens".


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Pour aller plus loin :

- Devenir chèvre, Episode 8, Podcast « Le Cœur sur la table », Victoire Tuaillon, ed. Binge audio, 2021, disponible sur Spotify

- Cher Corps, BD, Léa Bordier, ed. Delcourt, 2019

- Oubliez les régimes ils font grossir, Sophie Deram, ed. Marabout, 2019

- « Le poids des régimes », Sophie Deram, TedxLaBaule, mars 2020, https://www.ted.com/talks/le_poids_des_regimes

- Application téléphone « Petit Bambou »


N.B : Dessin de couverture inspiré par Eve Gentilhomme

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